© Photo issue du site Le Palais Savant
Pour commencer cette interview, je suis allée voir, non pas du côté de chez Swann, mais du côté du questionnaire de Marcel Proust dont j’ai sélectionné quelques questions :
YR : Quel est ton état d’esprit en ce moment ?
Cécile D.-B. : Curieuse de voir où les trois derniers mois de ma grossesse vont me mener !
YR : Quelle est ton occupation préférée ?
Cécile D.-B. : Manger, avec les doigts, en faisant des bruits de plaisir.
YR : Quel est ton rêve de bonheur ?
Cécile D.-B. : Reforester la planète.
YR : Quelle est ta devise ?
Cécile D.-B. : Fais confiance à la vie, tu es exactement là où tu dois être.
Sur le chemin du Yoga…
YR : Comment le yoga est entré dans ta vie ? Quel est ton souvenir sensoriel ou émotionnel de ton premier cours de yoga (reçu et donné) ?
Cécile D.-B. : J’ai pris mon premier cours de yoga pendant une période de ma vie où je ne vivais plus du tout dans mon corps, ça a été une révélation : mon corps m’apporte de la paix et de la joie. Je me souviens du temps qu’on prenait à sentir des choses toutes simples, très subtiles et la grande satisfaction que ça m’apportait. Le bonheur se cache dans les petites choses de la vie.
YR : Être professeur de yoga est une belle expérience. Comment as-tu vécu ton démarrage ?
Cécile D.-B. : J’étais juste surexcitée à l’idée de pouvoir partager tout ce qui me faisait du bien ! Progressivement, quand j’ai décidé d’en faire mon métier à plein temps, la joie d’enseigner a cédé la place à l’anxiété de remplir mes cours et gagner ma vie et avoir des élèves. Je me souviens du soir où j’ai compris que je devais juste faire les choses avec amour, un pas à la fois, et tout se passerait toujours bien.
YR : Quel est/sont ton/tes sutras préférés des Yoga-Sutras de Patanjali et pourquoi ?
Cécile D.-B. : Je n’en ai pas ! Je me réfère plutôt au « Pouvoir du moment présent » quand j’ai besoin d’être guidée.
YR : Quel est ton asana favori si tu en as un (ou plusieurs) ? Cela change peut-être selon les saisons, les moments… ?
Cécile D.-B. : Tout ce qui étire l’arrière des jambes, Uttanasana*, Uthita Padangusthasana 1**, Viparita Karani (les jambes contre le mur). Quand l’arrière des jambes tire (ce qui est mon cas tous les jours que Dieu fait !) ça veut dire que c’est tout l’arrière du corps qui a besoin d’être étiré. Je me sens toujours mieux après ces postures, c’est mes préférés.
*pince debout **posture (debout) du bras tendu au gros orteil
YR : Tu fais partie des figures médiatiques du monde du yoga au côté de Mika De Brito, Céline Antoine ou encore Sandrinsoha… comment s’est faite cette entrée dans ce milieu ? Et comment le vis-tu ?
Cécile D.-B. : J’ai décidé très tôt dans mon chemin, d’écrire et de partager ce que j’apprenais ou vivais au quotidien, les hauts, les bas, la pépite cachée dans le bordel. 90% des choses que j’écris sur mon blog ou les réseaux sociaux, partent de la même intention : que ça puisse être utile. Que ça puisse faire sourire quelqu’un après une journée difficile. Que ça libère quelqu’un pendant un instant. Donc je ne considère pas que l’attention « médiatique » est sur moi mais sur ça, cette humanité partagée.
Je le vis bien parce que je sais qu’il n’est jamais question de moi en fait. Il est toujours question des autres.
YR : Quel regard portes-tu sur les nouvelles tendances du yoga (yoga bière, yoga entouré de chèvres, R&B yoga…) ?
Cécile D.-B. : Si ça rend les gens heureux ! Je sais ce qui fonctionne pour moi, une pratique centrée sur la respiration, le silence et les sensations du corps. En faisant le lien entre mon corps et les émotions que je porte, ce que je traverse en ce moment dans ma vie et comment le yoga peut m’aider à naviguer tout ça. Mais si pour quelqu’un d’autre ça se passe par d’autres moyens, qui suis-je pour savoir qu’est-ce qui est mieux pour eux ?
YR : As-tu une anecdote, particulière peut-être drôle, que tu as vécu pendant un de tes cours ou stage, que tu aimerais partager ?
Cécile D.-B. : Quand je pense aux personnes qui sont devenus amis en se rencontrant dans un de mes cours de yoga, ça me fait sourire. Ce qui se rapproche pas mal du rire !
YR : Quel est le conseil que tu as envie de donner à un futur professeur de yoga ?
Cécile D.-B. : Il n’est jamais question de toi. Il est toujours question d’eux. Fais de ton mieux pour être là pour eux, pour enseigner avec amour pour eux, et tout se passera bien.
Et l’Ayurveda…
YR : Qu’est-ce qui t’a conduit vers l’Âyurveda ?
Cécile D.-B. : J’avais des problèmes digestifs et des déprimes régulières et j’en avais marre ! On a fait tout un tas de tests à l’hôpital et ils n’ont pas trouvé la source du problème, m’ont conseillé quelques médicaments et en rentrant ce jour-là chez moi, je me suis dit qu’il était temps de reprendre la main sur ma santé. Ma pratique personnelle d’alimentation qui guérit est devenue une passion puis une formation puis mon métier !
Vers la créativité…
YR : Comment l’idée de créer ton blog Le Palais Savant a émergé ?
Cécile D.-B. : Une après-midi d'avril 2012, j'ai eu une idée : "et si je créais un blog ? J'apprends tellement de trucs sur l'alimentation, il faut que je les partage." Je me souviens que j'étais en feu ! J'avais les mains moites d'excitation et un immense sourire pendant le reste de la soirée. J'ai organisé un dîner entre amis avec pour thème : trouver un nom pour le blog. Les garçons autour de la table faisaient que des blagues, je venais d'abandonner l'idée que ça nous mènerait quelque part quand Johann, qui se tenait à l'autre bout de la table (et deviendrait mon amoureux des années plus tard) a proposé : Le Palais Savant. J'ai tout de suite ADORÉ. Le lendemain, j'ai acheté l'adresse URL www.lepalaissavant.fr pour 10 euros et j'ai écrit mon premier article "Le paradoxe de l'omnivore". Mon premier commentaire était de ma mère! (un truc super enthousiaste et légèrement gênant.) J'ai écrit pendant des mois, personne ne connaissait le blog… je n'aurai pas pu être plus heureuse. J'avais un projet créatif ! Sur la page FB du blog, je postais des messages spirituels, inspirants, les hauts et les bas de ma journée. Le Palais Savant est devenu un joli bazar où on trouve des épices pour la santé mais aussi des talismans sacrés. Il me ressemble. Trouver mon propre style d'écriture sur mon blog a voulu dire m'autoriser à être moi-même. Je peux parler de ce que je veux ! Exprimer mes opinions !
L’Art un autre chemin
YR : Que t’inspire cette photo et le Mexique ?
Cécile D.-B. : L'image me fait penser au Mexique oui, mais dans son image la plus connue autour du monde, pas forcément dans la relation plus intime et charnelle que j'ai avec le Mexique. Pour moi le Mexique c'est la cuisine de ma maman et l'entendre chanter dans la cuisine quand elle veut faire passer ses peines, et le soleil constant et inchangeable qui ne cède jamais aux mauvais jours, des avocats et des mangues comme tu n'en as jamais goûté ailleurs, mes tantes assises en cercle dans leur hamac à envoyer mes petits cousins acheter une brique de lait. La vie !
YR : Je sais que tu apprécies Frida Khalo. Quel est ton tableau préféré et pour quelles raisons ? Qu’est-ce qui te plaît chez cette femme ?
Cécile D.-B. : J’aime qu’elle ait été si fière de ses racines indigènes mexicaines et m’ait montré que je pouvais être fière des miennes (ma mère et moi sommes nées dans la région du Mexique d’où Frida Khalo tire son inspiration). Si on prend un moment pour regarder avec amour et une acceptation totale notre lignée ancestrale, on se rend compte qu’il y a quelque chose caché dans cette lignée. Une information rien que pour nous sur pourquoi on est sur Terre. Les personnes les plus difficiles comme les plus belles parmi nos ancêtres déterminent qui on est aujourd’hui et qu’est-ce qui nous touche. Est-ce que tu peux le voir ? Mon héritage mexicain, que j’ai ignoré pendant des années, est en fait mon plus grand trésor. Frida Khalo m’a aidé à comprendre ça.
YR : Que lis-tu en ce moment ?
Cécile D.-B. : « The first forty days », un livre sur la période du post-natal et comment nourrir maman pendant les quarante jours après l’accouchement. Passionnant ! Si ces quarante jours maman est entourée de soutien, de repos, de plats nourrissants et faciles à digérer, c’est toute sa vie qui en sera transformée.
YR : Quels sont tes auteurs favoris ?
Cécile D.-B. : Tous ceux qui écrivent des mondes magiques, imaginaires, spirituels. Pullman, Rowling, Christelle Dabos, Paulo Coelho.
YR : Tes poètes préférés ?
Cécile D.-B. : Rumi, Rupi Kaur, Khalil Gibran, Hafiz
YR : Qu’écoutes-tu comme musique en ce moment ?
Cécile D.-B. : Mes playlists sur Deezer http://www.deezer.com/fr/profile/1311434928
YR : Quel genre de musique aimes-tu ?
Cécile D.-B. : Chants dévotionnels, hiphop, électro, reggaeton, bachata.
Féminité et émotions
YR : Qu’est-ce que c’est qu’être femme pour toi aujourd’hui ? Et quelles sont les femmes qui t’ont le plus marqué ?
Cécile D.-B. : Être une femme c’est soutenir d’autres femmes et ne pas les juger. Ni pour leur physique, ni pour leur sexualité, ni pour leur attitude. Une grande partie de la guérison que notre monde a besoin viendra d’un système où les femmes soutiennent les femmes. Par exemple, il y a quelques semaines, j’ai décidé d’éliminer de mon vocabulaire le mot « salope ». Parce que la situation où 1. Moi femme juge une autre femme et 2. Je la juge en jugeant son rapport à son corps ou sa sexualité ou ses choix de vie n’est plus envisageable ! Donc je n’ai pas besoin de ce mot. Donc je l’ai éliminé de mon vocabulaire.
YR : Que t’inspire l’Inde ? En tant que pays, philosophie, etc…
Cécile D.-B. : J’ai fait un voyage de deux mois en sac à dos en Inde. Le plus incroyable et difficile voyage de ma vie ! J’y retournerais dans un clin d’œil. L’Inde c’est un pays où le voile entre le monde du visible et de l’invisible est très, très fin. Du coup, on vit des choses qui sont hallucinantes et transformatrices.
YR : J’ai eu la grande chance de participer à un de tes ateliers sur Paris – je remercie encore mon amie Céline - et j’ai tout de suite été conquise par ce qui émanait de toi. J’ai senti de l’amour, de la tendresse, de la délicatesse et une grande sensibilité. Comment te perçois-tu ? Et comment vis-tu cette sensibilité au quotidien ?
Cécile D.-B. : Merci ! Je me perçois comme très sensible et intense (et mon copain me le dit tout le temps !). Je suis assez libérée dans mes émotions, je n’ai pas de gêne à me montrer en colère ni à pleurer. Je ne pense pas que pleurer veut dire être une fille déprimée. Ou être en colère veut dire être une mauvaise personne. Donc je fais de mon mieux pour libérer les autres à ce sujet, dans mes cours par exemple, et d’accepter un peu plus les émotions que le cœur nous a amené aujourd’hui. Et écouter ce qu’elles ont à nous enseigner. Je n’étais pas du tout comme ça pendant mon adolescence et début âge adulte. Dès que j’étais triste j’avais peur que quelque chose cloche avec moi ou que je sois plus bizarre que les autres. Dès que je me mettais en colère j’avais honte et je me trouvais horrible et je me jugeais. Je viens d’une famille où un de mes parents veut toujours que je sois heureuse et panique dès que je pleure. Je sais que ça part d’une intention très tendre ! Mais je persiste à croire que toutes nos émotions ont le droit de vivre et que laisser l’autre ressentir ce qui le traverse sans chercher à le rassurer, le distraire, lui faire tout de suite voir le bon côté des choses, ça valide nos émotions et nous aide à les traverser. Sentir c’est guérir.
Novembre 2017
Un grand merci à Cécile d'avoir accepté de répondre à mes questions, de m'avoir accordé de son temps ! Un immense merci à mon amie Céline sans qui cette interview n'aurait pas été possible !
Et merci à vous de lire ceci !
Namaste*
*Je reconnais la lumière qui est en vous